Tension au Sénégal: Analyse de l’élection présentielle reportée à la fin de l’année 2024

Tension au Sénégal : Analyse de l'élection présidentielle reportée à la fin de l’année 2024

Une contestation fait rage actuellement au Sénégal depuis la décision du président Macky Sall de reporter à la fin de l’année une élection présidentielle initialement programmée le 25 février 2024.

Le décès d’un lycéen de 19 ans, le 10 février 2024 à Ziguinchor (Casamance, Sud du Sénégal), porte le bilan officiel à 3 victimes depuis le début de contestations débutées il y a une dizaine de jours. Habituellement « vanté » comme un modèle de calme et de stabilité politique, le Sénégal fait face à une vague de manifestations spectaculaires suite à une décision que beaucoup n’ont pas hésité à qualifier de véritable « coup d’état constitutionnel ».

Cette décision apparaît comme la véritable goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà préalablement bien rempli. Nous pouvons en effet estimer que deux « événements » antérieurs, plus ou moins concomitants, avaient déjà mis le feu aux poudres. La première est le long suspense entretenu par Macky Sall et son entourage sur une éventuelle troisième candidature à l’élection présidentielle. Le flou entretenu a pris source dans l’interprétation de la réforme constitutionnelle intervenue en 2016, réforme qui non seulement limitait le nombre de mandats présidentiels à 2 mais instaurait également un quinquennat en lieu et place du septennat initial en vigueur jusque-là. Malgré cette réforme, beaucoup avaient prêté à Macky Sall la volonté de briguer un troisième mandat en prétextant une réforme intervenue postérieurement à son premier mandat et ne devant donc pas s’appliquer immédiatement à son cas personnel.

Face à la pression combinée de l’opposition et d’une opinion publique sénégalaise majoritairement hostile à une nouvelle candidature, le chef de l’État, au cours d’une déclaration officielle en date du 3 juillet 2023, avait fini par renoncer à se porter candidat une troisième fois. Au climat incertain et tendu généré par l’attente de cette décision est venu s’ajouter le « sort » réservé à Ousmane Sonko, figure qui s’est imposée comme principal opposant au pouvoir en place. Le maire de Ziguinchor, leader des patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) a vu sa candidature rejetée définitivement par le conseil constitutionnel le 5 janvier 2024. Le 4 janvier, la cour1 suprême du Sénégal avait confirmé sa condamnation à 6 mois de prison avec sursis et à 200 millions de francs CFA (300.000 €) de dommages et intérêts dans une affaire de diffamation qui l’opposait au ministre du tourisme.

La décision de la cour suprême prive Ousmane Sonko de ses droits civiques pour une durée de 5 ans et l’écarte de facto de la course d’une présidentielle à laquelle il faisait figure de vainqueur potentiel. Les partisans du maire de Ziguinchor, très nombreux notamment parmi une jeunesse sénégalaise séduite par son discours patriotique et antisystème, n'ont pas manqué de voir dans toutes ces décisions un acharnement judiciaire et une tentative détournée de l’écarter de la magistrature suprême. Le 30 janvier, le Conseil Constitutionnel avait publié la liste définitive des candidats, liste excluant le principal opposant mais également Karim Wade, fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade et autre opposant à Macky Sall.

Aujourd’hui, peu sont en mesure de prévoir l’issue finale dans ce qui apparaît comme la plus grande crise institutionnelle vécue par le Sénégal depuis son indépendance en 1960.

Rapport rédigé par Christophe M. NDIAYE

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